Les Asturies, balade à travers le berceau de la Reconquista

Les Asturies, balade à travers le berceau de la Reconquista
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Dans les Asturies, les plages de sable blanc se mêlent aux reliefs montagneux. Et au sein de ces paysages magnifiques se cache une histoire des plus fabuleuses…

Depuis plus de quarante ans, la famille royale espagnole et les Asturies sont liées. Héritiers et héritières du trône portent le titre de prince ou princesse de cette province autonome. Mais pourquoi accorder autant d’importance à ce petit territoire ?


For Travel Lovers vous propose de partir à la découverte de cette région sous la forme d’un micro road-trip. Après 3 jours sur place, vous aurez enfin percé ce mystère !

Pelayo, seul contre tous

1 300 ans auparavant, la bataille fait rage. Le califat omeyyade a fini d’envahir l’Afrique du Nord et traverse le détroit de Gibraltar pour atteindre le continent européen. Le royaume des Wisigoths, non préparé à une telle puissance, se retrouve submergé.

Les défaites militaires se succèdent et il ne reste plus rien des terres de la monarchie germanique. Enfin presque plus rien. Au Nord, quelques inconscients ont décidé de résister à l’envahisseur. A la tête de ces irréductibles germains, Pelayo. Son histoire est floue. Certains écrits le disent de lignée royale, d’autres issu d’un peuple voguant sur la mer. Pour clore le débat, les Asturiens finissent par décréter qu’il provenait de leur région.


Le conquérant organise la résistance asturienne mais les hautes-sphères de l’empire omeyyade veulent rapidement mettre fin à cette guérilla. Une partie de l’armée est donc dépêchée sur place. Le rapport de force est déséquilibré, la poche de résistance risque de se faire terrasser.

Heureusement, Pelayo a un plan. Direction la Grotte de Covadonga où une bataille des Thermopyles version ibérique se déroule. Mais contrairement aux valeureux spartiates, c’est le camp en infériorité numérique qui triomphe. Finalement, tous les honneurs ne reviennent pas au génie tactique de Pelayo.

Le mysticisme autour de Covadonga

Une protection divine aurait entouré les valeureux soldats de Pelayo. Sa provenance ? La caverne ainsi que la Croix de la Victoire. C’est de cet environnement mystique dont nous allons nous imprégner.

Bien avant que les chrétiens ne la sanctifient – Covadonga provient du latin Cova Dominica soit littéralement la « Grotte de la Dame » – les Wisigoth avaient déjà capté l’essence spirituelle du lieu. Impressionné par la cascade, le peuple barbare vouait alors un culte à l’eau.

Prenez bien soin d’écouter le son de l’eau qui s’écoule dans le lac pour ressentir l’atmosphère exaltée du lieu. Non loin de là se trouve la fameuse « Fontaine des 7 jets ». Selon la légende, toute femme célibataire buvant à chacun des jets finirait mariée dans l’année. Il est maintenant temps de visiter les lieux.

Les monuments les plus importants se trouvent plus hauts dans la grotte. Accessibles par des escaliers – que les plus pieux promettent de monter à genoux -, la chapelle et la tombe de Pelayo ont chacune leur histoire particulière. A l’intérieur du petit édifice religieux se cache une statue de la Vierge.


Lors de sa confection, seule la peinture l’habillait. Si elle préserve toute son aura symbolique, cette statue n’est pourtant pas d’origine. La première version ayant été victime d’un incendie en 1777, l’ouvrage fût remplacé par la Direction des Beaux-Arts espagnoles, avant d’être volée en 1939 pour enfin être retrouvé à… Paris !

Poursuivez votre pèlerinage en arpentant les galeries humides de la grotte. Vous tomberez alors sur la tombe de Pelayo et de son épouse Gaudiosa. Leurs corps se trouvaient initialement à l’intérieur de l’Eglise Saint Eulalia, dans la commune voisine d’Albamia. Mais les autorités locales désiraient que le héros et sa bien-aimée se reposent sur ce lieu hautement symbolique. Depuis, l’endroit où est enterré ce couple symbolique est devenu un véritable mausolée.

A côté de cette caverne se trouve la basilique de Covadonga. Bien que construit à la fin du XIXème siècle, l’édifice garde les inspirations néoromanes typiques des Asturies. Cette imposante réalisation surplombe le paysage et sa pierre rouge tranche avec le vert environnant.

Aventurez-vous à l’intérieur pour admirer une représentation de la bataille épique et du preux chevalier. Et après l’avoir admiré en peinture, vous pourrez contempler Pelayo sous forme de bronze, surmonté de la Croix de la Victoire qu’il brandissait au cours de la bataille et dont l’original est exposé à la Cámara Santa d’Oviedo.

Les trésors naturels de Covadonga

Une parenthèse nature s’avère nécessaire pendant ce voyage historique. Profitez des richesses naturelles des lieux en vous aventurant à quelques encablures du site que vous venez de visiter. Les eaux d’un bleu limpide des lacs d’Enol et d’Ercina, associées au vert de la flore locale, procurent à cet endroit un véritable charme bucolique.


Et pour celles et ceux qui veulent placer leur escapade sous le signe de la randonnée, vous pourrez toujours vous balader dans les Pics d’Europe. Cette chaîne montagneuse s’étend sur 3 provinces d’Espagne – les Asturies, la Cantabrie et León – et abrite les sites incontournables du Défilé d’Hermida, du Liebana et des Sentiers du Cares. Engagez-vous à travers des chemins tortueux pour atteindre les hauteurs et obtenir une vue imprenable de région

Après avoir profité de la beauté de ces paysages et de la grotte, vous repartez sur les traces de Pelayo. Le chef de guerre ne se satisfaisait pas de contempler les trésors de ses terres et, bien décidé à reconquérir les terres espagnoles, il se dirige vers Cangas de Onis.

Cangas de Onis, la première capitale

Malgré la défaite, l’empire omeyyade préfère se focaliser sur l’invasion du Royaume des Francs plutôt que de s’éterniser sur la révolte d’un territoire si petit. Cette tranquillité va permettre à Pelayo de bâtir le Royaume des Asturies. Il fait ainsi de Cangas de Onis sa capitale et y établit sa cour.

Les Asturiens en profitent d’ailleurs pour décerner à leur ville le titre officieux de « Première capitale de l’Espagne », le pays entier étant envahi. Néanmoins, après la mort de Pelayo en 737, elle fut rapidement délaissée. Son emplacement stratégique laisse à désirer et c’est sans surprise que León lui ravit son titre de capitale du royaume en 774.

Les vestiges préromans

Aujourd’hui, quelques traces témoignent encore du passé de la ville. Bien que construit sous l’ère romaine, son fameux pont porte une nouvelle réplique de la Croix de la Victoire. D’ailleurs, malgré l’importance que Pelayo portait à Cangas de Onis, aucun de ses successeurs n’avait érigé de monument en son honneur dans cette ville.

L’erreur fut réparée en 1970 par l’artiste asturien Félix Alonso Arena. Tout en muscle et prêt à brandir son glaive, le héros asturien se dresse sur son piédestal où une inscription indique « Pelayo premier roi d’Espagne ».

Il y est présenté sous son meilleur jour et se trouve sublimé par l’édifice situé juste derrière lui, l’église Nuestra Señora de la Asunción. Son clocher de trois étages, ses pierres rougeâtres caractéristiques de la région et son vitrail provenant de l’atelier Mauméjean laissent le visiteur bouche-bée.

Un autre endroit marquant de cette époque est l’Ermitage de Santa Cruz. Construite par le roi Favila en 735, la chapelle fut détruite durant la Guerre Civile espagnole. Heureusement, l’artiste Luis Menéndez Pidal mit un point d’honneur à la remettre sur pied dans les années 1950.

Elle devait abriter la Croix de la Victoire mais la relique asturienne a été déplacé à Oviedo. Cependant, elle renferme un autre trésor. Lorsque vous franchissez la grille, vous pouvez apercevoir une ouverture dans le sol qui laisse découvrir un dolmen (environ 5 000-3 000 avant J.C).

Les villages asturiens

Profitez également de l’arrêt à Cangas de Onis pour vous rapprocher de la côte asturienne. Trois villages typiques de la région se proposent à vous : Ribadesella, Llanes et Lastres.

Ribadesella

Ces trois villages de pêcheurs ont chacun leurs particularités. Hormis ses plages de sable fin propices à la farniente, Ribadesella tire sa notoriété des grottes de Cueva de Tito Bustillo et de Cuevona de Argüelles.

Ici, point de référence à la Reconquista mais la présence de peintures rupestres vieilles de 14 000 ans qui ornent la caverne.

Llanes

Quant à Llanes, après une balade dans son centre historique pour découvrir ses vestiges médiévaux, dirigez-vous vers le port. Au loin, des couleurs chatoyantes attirent votre œil et, en vous rapprochant, vous tombez nez à nez sur Los Cubos de la Memoria. A travers cette œuvre atypique, l’artiste Agustín Ibarrola a voulu rendre hommage à l’histoire des Asturies.

Lastres

Enfin il y a la charmante ville de Lastres. Construite dans un amphithéâtre naturel, elle se révèle idéale pour se perdre dans ses rues pavées ainsi que pour profiter de panoramas incroyables.

Il est temps de rebrousser chemin, mais ne prenez pas la direction de León. A l’instar de Cangas de Onis, elle ne reste pas longtemps la capitale du Royaume car elle sera détrônée par Oviedo, symbole de la grandeur de la région.

La très noble Oviedo

Défait par Charles Martel en 732, l’empire omeyyade renonce à son expansion européenne. Pour autant, il ne va pas s’attarder à reprendre le territoire asturien. Il estime que la région dispose de peu de ressources et surtout les hivers rigoureux ne leur siéent guère.

Autre point non négligeable, des querelles intestines voient le jour dans leur contrée d’origine. Et malgré quelques batailles annuelles ici et là, les rois asturiens gardent le contrôle du royaume et arrivent même à l’étendre.

Une construction presque due au hasard

En 761, deux moines du nom de Máximo et Fromestano se baladent le long de la voie romaine liant León à Pajares. Ils s’arrêtent sur une colline et, voyant les verts pâturages qui les entourent, se lancent dans le projet de construire une modeste exploitation agricole.

La légende raconte alors que le roi Fruela Ier y aurait fait une halte après une partie de chasse. Suffisamment sustenté, le monarque serait tombé amoureux de l’endroit et, sous le coup de l’émotion, aurait déclaré vouloir bâtir la plus grande ville des Asturies ici.

En véritable promoteur immobilier il décide la construction de plusieurs édifices dont une église qui sera le lieu de naissance de son fils, Alphonse II. En retour, l’héritier fera de sa contrée natale la capitale du Royaume lorsqu’il montera sur le trône.

Sur le chemin de la Croix

Avant de vous aventurer dans Oviedo même, commencez par visiter l’église Santa Maria del Naranco situé 3 km au nord-ouest. Il s’agit de l’ancien palais royal dont la fonction a été détournée suite au départ de la cour.

C’est un des joyaux de l’art préroman qu’il faut prendre le temps d’admirer. Elle est une des premières constructions à utiliser la technique dite « des arcs doubleaux ». Elle consiste à poser une rangée de pierre apparentes sur la courbure intérieure d’une voûte, principalement pour jouer un rôle de décoration. 200 ans plus tard, les bâtisseurs de l’époque romane habilleront également leur construction de cet ornement.

Enfin dans Oviedo même, vous tomberez facilement sur la cathédrale San Salvador. Son style gothique pourrait vous induire en erreur sur ses origines préromane et pourtant. Le clocher date bien du VIIIème siècle ainsi que la Camara Santa, situé juste à côté.

Ce n’est pas l’édifice le plus impressionnant d’Oviedo et vous pourriez presque passer devant sans y prêter attention. En revanche, il est assurément celui qui est le plus chargé d’Histoire. Sans le savoir, vous vous êtes lancé·e·s dans cette aventure pour lui car il abrite en son sein la véritable Croix de la Victoire.

Après avoir pu défiler ses nombreuses répliques à Covadonga ou Cangas de Onis, la voilà enfin devant vos yeux ! Si vous vous approchez d’elle, vous remarquez que son cœur est en chêne mais que les forgerons de l’époque ont réussi à la couvrir d’or puis la sertir de bijoux.

Malgré la présence d’autres trésors comme la Croix des Anges, le coffret aux Agates ou le livre des testaments, vos yeux restent rivés sur la précieuse relique. Vous vous sentez tel Indiana Jones retrouvant la Croix de Corovado des années après qu’elle lui ait échappée.

Mettez-vous alors à la place Pelayo et imaginez-vous avec une épée dans la main droite et la croix dans l’autre ? Un sentiment d’invincibilité vous traverse et vous comprenez maintenant pourquoi le héros asturien n’envisageait rien d’autre que la victoire.

Cela ne doit pas pour autant marquer la fin de votre aventure à Oviedo. Si vous disposez encore de temps, c’est le moment de découvrir un peu plus la ville à pied et de faire un tour dans le Musée des Beaux-Arts. 15 000 pièces sont à votre disposition pour ce qui constitue la plus grande collection d’arts des Asturies. Grâce à elles, vous pourrez admirer d’autres aspects de cette région que ceux évoqués plus haut.

Vous découvrirez sûrement que le royaume finira absorber par celui de Léon en 925. Cependant, malgré seulement 2 siècles d’existence, vous avez découvert pourquoi les Asturies ont été importante dans l’histoire espagnole. Sans la ténacité de Pelayo et de ses successeurs, l’empire omeyyade aurait fini par annexer toute la péninsule ibérique et la Reconquista n’aurait jamais eu lieu. Cette épopée valait donc bien un titre royal !

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